Animer à l’école !

De l’école maternelle aux écoles d’enseignement supérieur

J’avais attendu cette demande d’animation depuis près de 2 années ! Quand la demande de la professeure pour revenir animer dans sa classe m’est arrivée, j’étais ravi !

En mai 2023, j’avais animé pour la première fois dans deux classes de moyenne section d’une école maternelle privée de Neuilly sur Seine ! 2 ateliers d’1h30, dans deux classes, chacune de près de 30 élèves de 4 ans environ !! Heureusement, en plus de leur maîtresse, une assistante et des parents d’élèves étaient présents pour aider les enfants ! L’encre de Chine utilisée tache durablement les vêtements et certains sols ; il était donc important de bien cadrer les jeunes enfants, autant pour éviter tout incident et surtout pour qu’ils ne vivent pas une expérience malheureuse, mais au contraire, qu’ils repartent contents de cette découverte.

J’avais donc commencé mon animation en leur expliquant que le japonais s’écrit autrement que par notre alphabet. Les kanjis, à la base, sont des dessins de ce que les anciens Japonais voyaient. Bien sûr, de nombreuses adaptations virent le jour ensuite ; au final, comment deviner que l’actuel kanji 日 représente le « soleil » ?! Intéressés, les enfants me regardèrent ensuite calligraphier 日, « soleil », pour une classe et 月, « lune », pour la seconde, en guise de modèles. Puis ils se répartirent autour des tables rondes de leur classe, aidés par les adultes pour revêtir leur tablier et pour s’assoir devant leur feuille et leur matériel.

Chaque enfant réalisa ensuite 2-3 versions du kanji avant de le calligraphier sur un papier japonais, plus fin et plus fragile. A mesure qu’ils eurent finis, les adultes les aidèrent à quitter leur place et leur tablier, avant de les inciter à me rejoindre dans l’espace prévu dans la classe, tous assis par terre et moi, assis en face d’eux, sur une petite chaise !

Quand tous eurent terminé, je les félicitais de leur réalisation et d’être restés concentrés si longtemps, après quoi j’appelai chacun des prénoms sur ma liste. A chaque enfant, je lui dis comment son prénom se prononce en japonais puis je lui montrai comment il s’écrit en japonais. Calligraphies que je remettrai, à la fin, à leur professeure, pour la leur donner plus tard. D’entendre les prononciations japonaises de leur prénom faisait immanquablement rire, presqu’aux larmes, tous les enfants ! Il n’y eu guère que la petite Clara, à la fin, qui se retourna en pleurant vers sa maman « J’aime pas mon prénom japonais » !!

Bien sûr, au moment de la séparation, j’eus droit aux nombreuses manifestations de joie et de remerciement de la part des enfants, puis des parents et de la maîtresse ! Que d’émotions !!

Ce sont les plus jeunes enfants auprès desquels je suis intervenu jusqu’à présent. Habituellement, les enfants sont plus âgés : de l’école primaire jusqu’à des grands adolescents et des jeunes adultes, en établissements secondaires. Pour autant, nombreux sont les points communs à tous, indépendamment de l’âge des participants et des interventions.

Souvent, plus les jeunes sont âgés, sans parler des adultes, plus ils ont tendance à « penser », notamment la calligraphie. Nous avons en effet besoin de comprendre, intellectuellement, pour pouvoir faire. Nous décidons même avant de faire, la plupart du temps ; c’est donc une impulsion qui provient du mental, avant que ne s’active le corps. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les enseignants japonais s’amusent de nous, les Français, en disant que notre mot qui revient le plus souvent quand ils nous font cours, c’est « pourquoi ? » !

Par contre, les enfants, plus ils sont jeunes et spontanés, plus ce serait différent : ils font, puis ils « intellectualisent ». Leurs réalisations sont ainsi souvent plus naturelles, plus parlantes ; leurs dessins, leurs réalisations expriment. On peut ressentir à leur contact.

Bien sûr, rien n’est systématique, autant chez les enfants que chez les adultes. Mais il est néanmoins moins fréquent que des adultes soient dans la spontanéité des enfants que des enfants soient déjà dans une attitude d’adulte.

Les enfants sont plutôt confrontés, d’autant qu’ils sont jeunes, à des problématiques de motricité et de « compréhension » qui peuvent les freiner, quand ils comprennent difficilement l’objectif et surtout comment parvenir à le réaliser. Heureusement, parfois, ils comprennent puis utilisent leur corps intuitivement pour placer les différents signes japonais pour parvenir à une calligraphie homogène de leur prénom. Les adultes, il s’agit plutôt de les aider à lâcher-prise, à déconnecter leur mental, pour qu’ils se retrouvent dans cette même attitude des enfants : dans la spontanéité, dans le mouvement intuitif.

Tous, par contre, font ainsi l’expérience que le mental n’est pas tout ! : il est certes décisif pour beaucoup de nos activités, mais il peut aussi parfois être une entrave. Tel les barrages le long des cours d’eau, nos représentations mentales, nos conceptions et nos habitudes de pensées, peuvent générer des rigidités, jusqu’à des tensions corporelles. Notre corps est alors le siège de contractions, de douleurs, de blocages et jusqu’à des maladies, dont parfois nous devenons conscient. Nous perdons en souplesse et en agilité et, de ce fait, nous passons à côté d’opportunités, par exemple.

En même temps qu’ils vivent cette expérience et qu’ils sont en pleine stupéfaction face à ce qu’ils sont parvenus à réaliser, « intuitivement », ils m’entendent leur proposer ces quelques réflexions, certainement inhabituelles :

  • Dans notre culture, le mental est certes prépondérant, mais combien, aussi, il est important de lâcher-prise ! : autant pour être dans le présent, en pleine conscience, que pour gagner en fluidité.
  • « Une fois dans une vie », (一期一会, ichi go ichi e), est une expression importante dans de nombreuses pratiques japonaises : chaque moment, chaque expérience, chaque rencontre, chaque ressenti, …, est unique et n’est pas reproductible ! Quand on calligraphie, par exemple, dussé-je y passer notre vie entière, il est en effet impossible de reproduire à l’identique nos traits, surtout s’ils sont parés de ce qui est pour nous, Occidentaux, des imperfections, mais plutôt des parties expressives pour les calligraphes (traits non droits, franges…) !
  • Pendant que l’on crée, on met à distance nos pensées et on se « libère l’esprit » ! On ne peut, en effet, pas être centré en soi, concentré dans son geste et, en même temps, ruminer une pensée. D’autres connexions neuronales peuvent ainsi se mettre en place, spontanément.
  • On est également centré sur soi et notre mental est en harmonie avec notre corps : nos émotions, nos ressentis, sont connectés avec notre mental et avec nos représentations mentales. La calligraphie, en quelque sorte, est donc une forme de yoga !
  • Ces différentes parties de notre être sont donc indissociables les unes des autres. Tout comme les différents signes japonais sont intrinsèquement liés pour combiner une écriture harmonieuse de notre prénom, pareillement, nous devons tendre à cette harmonie à la fois en nous-même mais également avec notre entourage et avec notre environnement plus large.

Chaque participant, indépendamment de son âge, comprend généralement ces messages, parce qu’ils sont associés à une expérience qu’il vient de vivre et que ces mots viennent à la suite de cette expérience émotionnelle.

En espérant que cette expérience pourra leur donner « des billes » pour faire face à leur vie quotidienne et pour l’aider à développer des comportements, des connexions nouvelles, pour libérer leur élan créatif et devenir acteur de leur parcours.

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