Si vous n’avez pas le temps de tout lire, les idées clé de cet article :
- Constat de départ : nombre de Français ne pensent pas aux autres usagers dans l’espace public, ce qui interpelle les Japonais.
- Au Japon, chaque Japonais semble muni de capteurs, pour lui permettre d’évoluer parmi les autres, sans les heurter ni se forcer à modifier son rythme !
- Actuellement, le leitmotiv semble être « moi, je veux ». Pourtant, il y a moins de 50 ans, on nous apprenait à faire attention aux autres…
- De par cette éducation, j’ai donc accordé cette importance à mon environnement, en même temps que ma sensibilité m’y incitait ; l’autre étant pour moi un facteur de stress.
- Cette même importance accordée à l’autre et à notre environnement, je la retrouvais dans la culture japonaise.
- Plutôt que de me tenir à l’écart de la majorité de ces semblables, égocentrés, j’essaye désormais de les comprendre, eux et leur fonctionnement.
- Si, par le passé, l’éducation reçue par nos parents nous amenait à faire attention aux autres, ce mouvement vers l’autre n’en était pas pour autant naturel, mais plutôt imposé. Idem d’ailleurs chez les Japonais…
- Par contre, si nous sommes alignés et connectés à nous-mêmes, cela devient tout autre.
- Mais comment se retrouver connecté à soi-même, sans devoir, pour y parvenir passer sa vie sur le divan d’un psy ou autre ???
- La suite, dans l’article ci-dessous. (en espérant avoir éveillé votre intérêt ^_^)
Dans les années 2000, j’avais réalisé une enquête auprès de Japonais résidant en France et au Japon, pour leur demander notamment ce qui leur était difficile à vivre en France. J’avais eu ce retour de plusieurs Japonais, qui déploraient ces comportements suivants de la part de Français :
- les Français marchent de front sur le trottoir, ou ils stationnement en haut d’un escalator, pour chercher une direction ou regarder un panneau d’affichage, sans laisser de passage pour les personnes venant derrière elles. Pourquoi ?

C’est impensable, d’autant qu’au Japon, ne pas gêner l’autre est important et on pense en priorité à laisser le passage aux autres avant de penser à ce qui nous préoccupe.
En France, cela obligeait donc ces Japonais à s’adresser à ces usagers « encombrants » pour leur demander de se pousser pour leur permettre le passage, ce qui pouvait occasionner chez les Japonais un stress et une tension, pourtant facilement évitables.
Depuis, je me suis rendu compte que cela me dérangeait pareillement, bien qu’étant Français :
- Plutôt que de demander aux personnes de me laisser un passage, quand elles occupaient la largeur d’un trottoir, je préférais généralement descendre sur la chaussée et les dépasser tout en marchant sur la rue, avant de remonter sur le trottoir. Ce faisant, je me mettais en danger, face aux véhicules susceptibles de venir en face.
- Dans d’autres cas, je rongeais mon frein, derrière ces personnes, en attendant de pouvoir les dépasser en toute sécurité.
Quel contraste, d’ailleurs, entre la France et le Japon !, lorsque je repensais à cette expérience, plutôt incroyable, à l’occasion de mon premier séjour au Japon en 2010 : j’avais en effet pu traverser une partie de la gare de Shinjuku, à Tôkyô, l’une sinon la plus grande du monde pourtant bondée, sans avoir eu à modifier mon rythme de marche ni pour autant avoir heurté un voisin ou m’être fait bousculer !

Comme si chacun des usagers japonais de la gare était naturellement pourvu de capteurs pour se positionner par rapport à son environnement pour éviter de se heurter !!
Cette anecdote, je la racontais ce jeudi 13 février 2025, à une classe de collégiens Parisiens, alors que je venais leur présenter la calligraphie japonaise, dans son aspect relaxant et apaisant…
En effet, la calligraphie permettant notamment de se reconnecter à soi-même, permet également de gagner en sensibilité et donc de mieux percevoir les signaux en provenance de son entourage. La calligraphie peut donc être un outil efficace pour renforcer cette qualité (de « sentir » l’autre) et ainsi développer nos « capteurs ».
Une qualité d’autant plus aidante et confortable pour chacun, que nous sommes à une époque où une majorité d’entre nous ne pense plus aux autres qui nous entourent, « obnubilés » que nous sommes par nous-mêmes et par nos objectifs.
D’ailleurs, rien que ce soir en rentrant en vélo de cette animation, je fis la triste expérience de plusieurs de tels comportements incongrus dans l’espace public, rarissimes il y a encore quelques années mais, désormais, quasiment fréquents :
- Le piéton qui traverse sans avoir même regardé, sans se soucier des voitures et vélos qui arrivent, mais en fixant son portable.
- La voiture qui tourne à droite sans mettre de clignotant et sans penser qu’un vélo peut arriver à sa hauteur sur sa droite.
- Un jogger qui, pour ne pas à modifier son rythme, jogge à contre-sens sur la route, pour dépasser le trottoir encombré de piétons, sans se soucier des véhicules et vélos arrivant en face…
Comme si chacun se disait « c’est aux autres de faire attention à moi » !!?
Pourtant, quand j’étais enfant dans les années 70, je me souviens encore de mes proches qui me rappelaient sans cesse de faire attention avant de traverser, de rester sur le trottoir, de faire attention aux autres… Plus généralement, on nous incitait à penser d’abord aux autres et à ne pas penser qu’à soi seul.
Par la suite, j’ai donc toujours veillé de moi-même aux autres… En même temps, cette éducation se renforçait certainement du fait de ma sensibilité plutôt développée, en partie parce que le contact avec les autres m’était généralement générateur de stress.
En m’intéressant, par la suite, à la culture japonaise, je m’étais senti comme dans un poisson dans l’eau, sur cet aspect du moins, au sens où les Japonais, de par leur culture et leur organisation sociale, se savent être au sein d’un environnement. Chacun d’entre eux faisant partie d’un ensemble, il leur convient donc de toujours faire attention à ses propres actions afin qu’elles ne viennent pas heurter le bon équilibre avec leur environnement et, par conséquent, avec les autres qui les entourent.
Aussi, les Japonais ont-ils développé une grande appétence à « sentir » l’autre, à savoir ce qu’il convient de faire et ne pas faire pour ne pas heurter les autres. D’où, peut-être, cette impression à la gare de Shinjuku, qu’ils étaient tous munis de capteurs !?
Dans le cas des Japonais, contrairement à moi, c’est une compétence qu’ils ont développée culturellement et qui leur est devenue presqu’innée, bien que leur pesant certainement aussi !
Quand les Japonais viennent en France, ils ne peuvent donc pas comprendre le comportement de ces Français, centrés sur eux-mêmes et sur leurs objectifs et plus généralement le peu de considération qui est portée à l’autre, surtout en comparaison avec ce qui se pratique au Japon.
Moi-même, vivant à Paris, et pourtant Français, je me retrouve d’ailleurs quotidiennement dans cette même incompréhension, souvent doublée d’un sentiment d’irritation à l’égard de ces personnes égocentrées.
Cependant, plutôt que demeurer constamment irrité et tenté de me tenir à l’écart de la majorité de mes semblables, j’essaye désormais de les comprendre :
- pourquoi se comportent-ils ainsi et, d’ailleurs, ont-ils même conscience de leur fonctionnement ?,
- comment peut-on les aider, notamment les plus jeunes ?
- à ne pas se retrouver dans ce fonctionnement préjudiciable ?,
- à plutôt savoir sentir les autres et plus largement leur environnement ?
Le fait que les questions climatiques se fassent plus prégnantes oblige d’ailleurs, à mon sens, à nous préoccuper davantage de notre environnement, proche comme plus général !
Comment aider les plus jeunes à ne pas reproduire nos erreurs d’aînés et gagner en sensibilité, pour construire un équilibre plus harmonieux et améliorer ainsi le « vivre ensemble » ?
Quand nos aînés nous répétaient autrefois de faire attention aux autres et à notre environnement (ne rien jeter par terre, finir nos assiettes, éteindre la lumière…), à force, cela rentrait et finissait par faire que nous nous comportions comme on nous l’inculquait.
Mais cela n’était en fait qu’un acquis de surface, sous la pression d’une éducation : ce n’était ni choisi ni revendiqué. Ces bonnes habitudes devenaient susceptibles de tomber en désuétude dès lors que nous deviendrions adultes et indépendants.
D’ailleurs, qu’en est-il des Japonais ? Pour eux aussi, n’est-ce pas le poids de la pression sociale et de siècles « d’éducations-injonctions » qui les rendent autant « à l’écoute » des autres ?
Par contre, lorsque l’on est profondément connecté à soi-même, ce me semble être bien différent : on est forcément connecté à son environnement et cela est ancré en nous, sans que nous y soyons obligés ; cela devient une « seconde nature » !
Cela se fait donc naturellement, sans que nous y prêtions attention et sans que cela ne nous coûte ni une quelconque attention ni de l’énergie ! C’est peut-être même plutôt comme un jeu, agréable.
Mais voilà !, comment se retrouver connecté à soi-même, sans devoir, pour y parvenir passer sa vie sur le divan d’un psy ou autre ???
Plus précisément, comment être, en pleine conscience, connecté à nous-même ? Comment accorder notre activité mentale (état de conscience et nos pensées), à ce qui provient de nous-même – nos émotions, nos intuitions, nos éclairs d’inspiration… ?
La pratique de la calligraphie peut être un moyen, pour nous y aider. C’est en quelque une porte d’entrée, comme il peut y en avoir d’autres, pour qui souhaite les voir puis les pousser.
Par exemple, quand je propose aux participants des ateliers de calligraphie, que j’anime, de calligraphier les katakana de leur prénom en japonais, de façon à former un ensemble harmonieux et donc un équilibre :

- chaque participant est dans l’instant présent, concentré sur sa calligraphie,
- il ne peut donc pas être à la fois à calligraphier et à penser, à songer à ce qu’il va faire après, ce qu’il souhaite faire ensuite…,
- il est désireux de parvenir à réaliser une calligraphie harmonieuse, équilibrée,
- au bout de plusieurs exercices, il se laisse aller à tracer des traits et des katakana, tout en exerçant de moins en moins un contrôle par son mental,
- ll commence à se rendre compte qu’en se laissant aller et en laissant son pinceau se positionner instinctivement sur sa feuille, que ses traits et ses katakana se positionnent d’eux-mêmes toujours plus en harmonie,
- au final, il a l’agréable surprise de constater d’une part qu’il est parvenu à réaliser une calligraphie harmonieuse et équilibrée et qu’en l’espace généralement d’une petite heure de pratique, il a réalisé une évolution manifeste entre sa première et sa dernière version de la calligraphie de son prénom !
- Ainsi, plus il est parvenu à lâcher-prise mentalement, pour donner plus de liberté à son instinct, plus sa calligraphie est devenue fluide et équilibrée !!
De là à le transposer dans sa vie quotidienne, à l’égard de soi-même comme dans son rapport aux autres, il n’y a ensuite plus qu’un pas. Chacun, d’autant plus les plus jeunes des participants, auront ainsi fait l’expérience d’un autre fonctionnement possible.